Je suis de ceux qui n'aiment pas poirauter. Impulsif, une minute d'attente me paraît une éternité. Les natifs du verseau sont ainsi faits. Ça me plait de pouvoir trouver une explication à ma nature explosive. Tout le monde veut éviter la dissonance cognitive. Je pète un plomb pour un rien, ce n'est pas de ma faute. Je suis un verseau. Je file à toute allure dans un projet irréaliste pour me cogner la tête contre l'impossible, ce n'est pas de ma faute. Je suis un verseau. Mon signe astrologique est ma carte blanche. Je peux agir bêtement puisque je suis un verseau. Les verseaux n'en font qu'à leur tête. Le grand verseau que je suis, impatient, impulsif, vient de passer soixante deux jours et demi à attendre une nouvelle. Chaque semaine, un nouveau mail, M. L patientez un peu, on vous écrit dès que possible. Huit longs mails. Et puis, un dernier: M. L, Malheureusement et patati et patata. Voilà sur quoi s'est soldée ma première expérience à l'école de la patience. " Ba karant" diraient mes amis Pablo et Serge. Des parents et mentors m'exhortaient tellement à cultiver la patience. Souvent je dors mal ou je ne dors pas après avoir fait montre de trop d'impatience. À maintes reprises, je m’étais promis de m'exercer à cette vertu. Je n'y arrive toujours pas. Heureusement!? Et là, pour des raisons dépendantes de ma volonté, je suis devenu de plus en plus patient mail après mail. A la suite de chaque "Dès que possible", je me suis persuadé que le dernier sera le dernier. Wayan! Tout ça pour ça. M. L. Malheureusement... À quoi ça sert finalment d'être patient. Hein? Les évangélistes de la patience? Mentors? Plus jamais. Je suis impulsif et alors!
q~[…] le peuple frappe instamment à la porte de l'intégration sociale et nationale. Nul ne peut prétendre la lui maintenir fermée plus longtemps encore par la négation de ses droits fondamentaux du citoyen. Michel Hector ~q
Avec ce nouveau recueil de poèmes parût chez Milot, André Fouad poursuit son chemin de poète habité par l’image et la musique des mots. Silence, je encore tutoie la mer est une traversée, un voyage intérieur où la mer devient personnage central, confidente et miroir. Ce n’est pas une mer lointaine, décorative, mais une mer intime, parfois tendre, parfois violente, qui porte la mémoire et les blessures de l’homme. Je tutoie malgré tout les pages blanches D’un soleil mourant Dans la tourmente des aquarelles de Magritte Mon rêve Mon pinceau aile Ainsi naît la musique des ombres Fille illégitime de la mer Aux riffs des pieuvres. Sa poésie est un mélange de silence et de cris. Elle se construit dans l’hésitation, comme une danse fragile, et s’élève soudain dans un souffle de révolte. Ses vers sont nourris de voyages et de rencontres : de Port-au-Prince, jusqu’aux lumières des grands poètes disparus. Mais au-delà des lieux, c’est l’expérience humaine qu’il interroge, entre solitude, exil et espérance. Ce recueil est aussi un acte de foi. La foi en la parole poétique comme seule arme face au chaos. Fouad refuse la facilité des explications : il préfère la suggestion, l’ambiguïté, la vibration des images. Ses poèmes avancent comme des pas dans l’eau, dessinant des chemins incertains mais toujours porteurs d’un horizon. La mer, omniprésente, devient symbole d’infini. Elle abrite les monstres des mots noyés, mais aussi la promesse d’une renaissance. En la tutoyant, Fouad prend le risque d’un geste à la fois intime et irrévérencieux : il ne vénère pas, il s’approche, il questionne. Silence, je encore tutoie la mer est donc bien plus qu’un recueil. C’est une expérience de lecture, une invitation à écouter la langue autrement. André Fouad y confirme sa place de poète marcheur, toujours en mouvement, qui brise les frontières du vocabulaire pour inventer un chant neuf, porté par la houle et le silence. Silence, je tutoie encore la mer est une traversée. Un livre qui ne se lit pas mais se ressent. Il nous invite à marcher avec le poète, à briser nous aussi les scellés du vocabulaire, à tendre l’oreille au vacarme doux du monde. À force de tutoyer, André Fouad finit par faire parler la mer. Et dans cette parole, il y a la trace d’un poème plus grand que le poème lui-même : celui d’un homme qui, sans bruit, avance vers son propre horizon. Godson MOULITE
Que peut la littérature en temps de crise ? Voilà une question essentielle, qui pousse chacun à s’interroger sur le rôle que peut jouer l’art lorsque tout semble s’effondrer. Si la littérature permet à l’artiste de s’émanciper, de supporter l’existence, de transcender son impuissance face à l’oppression, alors oui, elle peut avoir un rôle immense pour la société, en lui tendant un miroir pour mieux se comprendre. C’est dans cette optique qu’est né le projet « Bertin au cœur des livres », lancé le 1er août 2025. Imaginé comme un espace de dialogue et de co-construction autour du livre, ce projet se clôturera le 22 août par un festival littéraire haut en couleur, pour affirmer : les livres peuvent réparer ce que la vie a détruit. À partir de 10 heures, la programmation s’annonce riche et variée. Au local de l’Institution Mixte l’Hirondelle, #153, à la rue La Joie, Bertin (Carrefour), se tiendront : 1. Une exposition de livres et de tableaux 2. Une séance de signature avec Christopher Pierre, auteur du recueil de poèmes Lapèsòn (paru en novembre 2024) 3. Une causerie autour du sujet : Et si les livres pouvaient réparer ce que la vie a détruit ? 4. Un échange de livres où chaque participant apportera un ouvrage à offrir et repartira avec un autre 5. Un masterclass avec Christopher Pierre et Ruth Bernie Pierre Louis 6. Un mini-concert de Lefranc Dorélus dit Simba Birdsinger Ce festival littéraire, une toute première à Bertin, propose une ambiance à la fois instructive et divertissante, profondément tournée vers la démocratisation de l’accès à la culture et à l’éducation. Plus la population se développe, plus les chances du développement communautaire augmentent. Bien sûr, on doit se construire pour être en mesure de participer à la construction de sa communauté. Et puis, un quartier qui lit, est-ce vraiment un danger ou une promesse d'avenir? L'admission est gratuite. Mais une contribution volontaire est vivement recommandée. Pour toutes informations supplémentaires, on peut établir le contact avec le numéro suivant : +509 3247-7739.
« Chaque lecture laisse en nous une graine qui germe », disait Jules Renard. Quand une lecture donne matière à penser et invite à faire un retour sur soi, on se rend compte que l’auteur a réussi son pari. Dans le magistral roman de Paulo Coelho, Le Manuscrit retrouvé, on retrouve un passage où un jeune garçon déclare : « Je n’ai jamais su quelle direction prendre. » Comme une chute à travers le temps, ces propos m’ont renvoyé à décembre 2020, à un moment où une question existentielle me hantait : Que vais-je faire de ma vie ? L’année 2020 a été marquée par la pandémie de Covid-19. En mars, le gouvernement haïtien a imposé le confinement sur tout le territoire. Cette période allait durer six (6) mois. Cette situation ne fut pas sans conséquence : elle allait influencer les habitudes de vie et modifier les routines. Les doutes, les inquiétudes prenaient de plus en plus de place dans nos esprits d’adolescents. On se questionnait encore et encore : qu’adviendrait-il de nos aspirations ? De nos projets de vie, en pleine crise sociopolitique, économique et humanitaire qui rongeait les entrailles du pays ? Durant la pandémie, avec mes amis d’un groupe de travail baptisé Cerveau d’Or, nous essayions de vivre avec, de ne pas sombrer. Ainsi, nous lisions régulièrement. Ensuite, nous discutions de nos lectures, partagions notre bonne humeur, échangions des blagues et des rires. Cela nous aidait à nous accrocher au soleil dans un pays qui faisait noir. Pour rendre hommage au poète français Charles Baudelaire, nous nous enivrions de lecture pour ne pas ressentir l’horrible fardeau du confinement et des jours qui passaient à répéter les mêmes actions. Parmi mes lectures, une citation a totalement changé mon regard sur les temps difficiles. Je pense que c’est l’un des bienfaits les plus précieux de la lecture : ce pouvoir de nous transformer. De l’illustre biologiste Charles Darwin, elle est ainsi formulée : « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. » À présent, il n’y avait qu’un seul mot d’ordre : adapter aux changements mes aspirations, mes projets de vie, mes passions et mes folies. Il fallait mobiliser mes ressources pour d’abord réussir le bac, ensuite intégrer l’Université d’État d’Haïti pour étudier la psychologie, et enfin lancer un club littéraire pour me rapprocher de la culture et construire ma carrière d’écrivain et d’opérateur culturel. Dans un langage propre à Coelho, l’univers connaissait mes désirs. Ainsi, il a conspiré à ce que je réalise tout ce à quoi mon cœur aspirait. Car j’ai réussi le bac en décembre 2020, j’ai intégré la Faculté d’Ethnologie en mars 2021, puis la Faculté des Sciences Humaines en avril 2021. Août 2021 a vu la création du Club Flèche Rose. En décembre 2021, j’ai publié mon premier recueil de poèmes intitulé La Douce qui vient. Que de réalisations qui témoignent du long chemin que j’ai parcouru jusqu’à aujourd’hui. Le chemin n’a pas été sans embûches. Des combats ont été gagnés et perdus. Mais une chose est certaine : nous n’avons jamais perdu notre objectif de vue. Malgré la présence du superflu, de la facilité, nous avons su rester accrochés à l’essentiel, à ce qui nous maintenait dans la joie. En effet, Flèche Rose Club reste cette victoire à qui je dois tout aujourd’hui : des amis, des projets, des enseignements, des lecteurs, une famille. Je lui dois tout. Les membres ont cru en mes folies, m’ont soutenu et m’ont permis de créer un personnage dont je suis fort fier. Ce club a grandement contribué à mon développement. Je n’ai jamais douté d’être sur le vrai chemin. Je le savais. On sait qu’on est sur la bonne route quand on sent qu’on est soi-même dans chaque souffle, chaque pas, chaque petite victoire, aussi silencieuse soit-elle. Par ailleurs, toutes ces réalisations ont un dénominateur commun : Jean Michelot Polynice, dit Michelot Le Cupidon. Au début de notre rencontre, Michelot Le Cupidon a été mon professeur d’Éducation à la Citoyenneté. Après mon bac, nous sommes devenus amis. Aujourd’hui, il est un frère-volcan. Avec ses précieuses idées, il a posé les fondations solides du Club Flèche Rose. À cette époque, il était l’acteur principal du spectacle érotique Scène adulte, produit par son groupe socioculturel Le Classique Haïti, dont l’objectif était de promouvoir l’éducation sexuelle des jeunes. Poète talentueux, doté d’une plume qui choque autant qu’elle plaît aux amoureux des belles lettres, Le Cupidon avait déjà un recueil de nouvelles en librairie : Si les Culottes pouvaient parler. Ainsi, il est devenu mon modèle. Quelqu’un à qui je m’identifiais et dont je pouvais suivre les traces. Je n’ai pas tardé à me rendre compte qu’il est un devoir de se construire, d’investir en soi, de se développer, de s’améliorer. Pas seulement pour soi, mais aussi pour les autres qui auront besoin d’une boussole pour trouver leur voie, et d’une lumière pour arpenter les sentiers de la vie. Actuellement, il réside en France. C’est un héritage que nous, les membres, avons le devoir de protéger et de renforcer. En 2025, à l’ère du numérique, ne faut-il pas questionner les influences auxquelles les jeunes sont exposés ? Qui sont les modèles qui leur permettront de se réaliser ? De se connecter à leur vraie essence ? Pour ne pas sombrer dans le paraître, mais se rattacher à l’être ? Pour relever les défis que leur impose la crise qui sévit dans le pays ? Que devient réellement une vie sans repères ? Le jeune garçon dans l’extraordinaire roman de Coelho n’a jamais su quelle direction prendre. Peut-être que cela aurait été différent s’il avait eu un guide, un mentor. Mais aussi, il faut faire ce retour sur soi et se demander : Savez-vous où vous allez ? De mon côté, je savais où je voulais aller. Ce désir m’a toujours habité : créer une communauté qui vit par et pour la littérature, qui s’engage à briser les tabous, à éclairer les esprits, à transformer les gens. Une communauté où chaque initiative porte sa lumière et sa tendresse. Quatre éléments. Quatre années. Une seule flamme : Flèche Rose Club.
Une communauté avec des rêves enfouis. Une population à l’espoir écorché. Au milieu du chaos, prend naissance une activité qui veut faire de la littérature une lumière, une boussole pour des jeunes en quête de repère. Derrière cette volonté d’un groupe de jeunes de marcher vers la vie, se trouve un désir brûlant de s’engager pour leur communauté, de faire naître des étoiles dans des esprits où ne brille qu’une image sombre de Bertin. Depuis une semaine, les messages enflamment les réseaux, des invitations, des publications de partenaires, d’ambassadeurs, des sensibilisations prennent place en vue de dire qu’il y a un évènement qui va se passer, « Bertin au cœur des livres », une initiative pour le livre, et, avec le livre. Initié par un groupe de jeunes passionnés de littérature et du livre dont le chef de fil est l’écrivain-romancier Mardochée Gay, « Bertin au cœur des livres » est une invitation faite à la communauté Carrefourroise notamment la communauté Bertinoise. Il convient à chacun de porter leur part de bonification à un projet littéraire visant à écrire un autre narratif sur ce quartier situé dans la 11e section communale de la Rivière Froide dont sa renommée faisait peur même à l’ange de la mort. Adultes, jeunes, enfants, tous sont invités à participer et à rejoindre l’équipe soit en tant que partenaire, soit comme ambassadeur afin de créer une chaine de promotion beaucoup solide dans cette localité. Le vendredi premier Aout 2025 est la date retenue pour lancement de cette initiative autour du livre à 10h du matin dans l’enceinte de l’institution Mixte l’Hirondelle à Bertin. Durant la période allant du 01er Aout au 22 Aout 2025, une kyrielle d’activités est prévue en vue d’éveiller la conscience collective des Habitants de Bertin sur l’importance d’avoir une culture de la lecture, celle qui leur permettra de grandir et d’épanouie émotionnellement. Parmi les activités prévues nous pouvons citer par exemple : Conférence-débat, atelier de lecture, atelier d’écriture, campagne de sensibilisation etc. Tout cela, pour une démocratisation de la connaissance chez une jeunesse qui nécessite des repères pour mieux se retrouver et se construire. Bertin au cœur des Livres, est ouvert à tous ceux qui veulent apporter tout types de support susceptible de rendre possible cette aventure livresque. Qu’ils soient sur le terrain, qu’ils soient en dehors du pays, leur soutien sera la bienvenue. Comme l’a déclaré le philosophe français Frédéric Lenoir lors d’une conférence, dans un régime politique qui tend à respecter la liberté de conscience et d’expression, il faut que les individus soient éduqués, responsables et soient dans la connaissance. Cette initiative se veut être créatrice d’une nouvelle narration sur la communauté Bertinoise tout en promouvant l’engagement communautaire et les valeurs citoyennes. Et si les livres pouvaient réparer ce que la situation chaotique du pays a brisé? • Christopher Pierre
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